Samedi 12 janvier
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13:20
Qui ne s'est jamais moqué un jour de la petite vieille!
Vous savez, celle qu’on redoute parce qu’elle gruge pour passer devant vous à la poste. La tatie Danièle qui déteste les jeunes et qui nous rabâche continuellement que de son temps... La vieille
peau aigrie qui n’a qu’une passion dans la vie, râler sur tout et rien...celle qui n’existe que pour nous casser les couilles.
Il y en a que j'aime malgré tout, ou plutôt malgré elle, mais je ne résiste pas à la tentation de vous raconter
un grand moment de bonheur, un de mes meilleurs fous rire.
Je la voyais attendre le bus, l’oeil torve, à chercher sur quoi elle allait grogner (les pigeons, le froid ? Les gosses qui font trop de bruit, ou tout simplement sur cette vie qui n'est
vraiment pas facile pour une pov’vieille comme elle depuis que son caniche Kikinou est devenu incontinent).
Elle cherchait aussi du regard sa victime, celle qui allait devoir entendre sa diatribe...
Ouf, c’est tombé sur la copine Germaine !
Et les voila tellement occupées à maugréer et à pester contre tout ce qui les entourent à grand renfort de hochements de tête, de tremblement de dentier, de recoiffage de permanente
« violette » (elles vont toutes chez le même coiffeur), tout cela ponctué de soupirs et de « ma pov amie, c’est pô facile », qu’elles finissent par en oublier le bus.
Soufflement de la porte qui va se refermer et la Germaine qui était percluse d’arthrose y a pas 5 minutes saute avec une agilité déconcertante dans le bus, plantant là sa collègue. Ceci dit
j’aurais été Germaine, je crois que j’aurais moi aussi retrouvé mes capacités d’antan pour échapper à Tatie Danièle.
Le mouvement attire mon attention, et je regarde dans cette direction avec un regain d’intérêt, un frisson d’excitation me saisit, je prévois une scène drôle à venir...
Tatie Danièle se lance alors dans un 100 mètre effréné pour rattraper le bus qui part déjà, en tapant sur ses roues à coup de caddie, laissant s’échapper au passage un poireau glané au marché.
Mais pas assez rapide ! Et la voila, la manche de son manteau de laine coincée dans la porte, le caddie dedans, elle dehors...et le bus qui prend de la vitesse...
Le fou rire arrive... La mamie peste contre le chauffeur, sa main restée libre tape sur la vitre, le tout avec une vigueur qui ferait de l’ombre au capitaine Haddock !
Les quelques témoins scotchés, médusés, alors que le bus arrive au premier carrefour et qu’elle mouline avec ses pieds. Tout le monde attend la chute.
Je repense au générique de Super Jaimie, quand la femme bionique se met à courir de plus en plus vite. Les escarpins élimés de la mamie frôlent à peine le goudron en s’agitant
frénétiquement.
Elle est maintenant à moitié suspendue dans les airs mais elle ne se démonte pas et continue de courir. C’est David contre Goliath, la mamie va réussir à arrêter la course du bus à elle toute
seule.
Celui-ci arrive au premier feu rouge. La porte s’ouvre enfin sous la pression des passagers affolés à l’intérieur. Rien de grave, mamie rentre dans le bus.
Dernière image que j’ai pu saisir, le bus tourne, me laissant à mon fou rire. Finalement c’était une bonne journée, j’ai bien rigolé...et je suis persuadé que le plus à plaindre dans l’histoire
restera ce pauvre chauffeur. Je revois encore son regard paniqué face au rictus de la vieille qui, après s'être refait une contenance, farfouille dans son caddie pour le frapper
avec sa demi-baguette...
Y a pas à dire, chauffeur de bus, c'est un métier dangereux!