Dimanche 1 novembre 7 01 /11 /Nov 18:00

Faire comme…
Trois semaines de stage en chirurgie pédiatrique et j’ai déjà l’impression que c’est une éternité. 29 lits dans le service, des pathologies de neuro, de cardio, de viscérale, d’onco, d’orl et les hébergés des autres services… certains sont là depuis des mois, d’autres ne feront que passer.
De 2 ans et demi à 16 ans en principe, je dis en principe car il y peut y avoir des bébés comme des plus grands… manque de place dans les services… La réalité me saute en pleine face.
Difficile d’être là, disponible et à l’écoute de tous. Les infirmières ont à peine le temps d’arriver dans une chambre qu’elles doivent aller dans la suivante : je suis en retard sur mon tour… C’est l’obsession, c’est le stress…Elles ne sont que deux et une auxiliaire puer aujourd’hui…Absence maladie ou autre, alors on compte aussi sur les stagiaires. Il ya le nom des enfants sur le lit… Heureusement. C’est parfois le seul moyen de se rappeler comment ils s’appellent. De lui, tout ce qu’on retiendra, c’est qu’il a Augmentin X 3 et un antalgique à la demande. Sa maladie sera hiérarchisée. Il n’a pas de pansement, il n’aura pas besoin de plus de temps. Il est sortant cet après-midi ou demain, on va avoir un lit garçon… Difficile de mettre un visage, si on le croise en dehors de sa chambre, on ne le reconnaitra même pas.
Ambulatoire : tu rentres, tu sors, on t’a à peine vu.
…et il y a ceux qui sont là depuis longtemps. Plus les soins sont lourds et mieux on les connait alors oui, même s’il ne faudrait pas, on s’attache.
Le soir, chez moi, je revois leur visage. Je revis tel ou tel soin car à ce moment là, je n’ai pas laissé l’émotion faire surface… Elle revient le soir. Je décompose, j’analyse, je me souviens et souvent, j’ai de la peine. C’est le soir que c’est le plus difficile à repousser, car hors du contexte et loin de « ce qu’il faut faire », apparait la question que dans l’urgence on ne se pose pas : « pourquoi ». Pas pourquoi il faut lui donner ça ou faire ça, je ne parle pas de soin, mais de pourquoi la maladie, pourquoi c’est injuste et comment ont-il autant de courage…sans s’en rendre compte. Je m’interroge alors sur les patients, qui ils sont, sur le sens de la vie, pour eux, pour moi, pour chacun.
Al : 16 ans, ostéosarcome. Il ne faut pas s’attacher aux ostéosarcomes, m’a dit une infirmière, les yeux embués de larmes… j’y devine une histoire, je ne bronche pas. Je la laisse se souvenir puis se « re-cadenasser ». Oui, c’est compliqué à gérer tout ça. J’écoute les conseils… J’écoute aussi ce que j’ai envie de donner. Il y a un calcul dans la relation. Ne pas se mettre en danger, ne pas oublier que l’on ne fait que passer. Et pourtant…on a envie.
Lo : 12 ans, mucoviscidose…on dirait un petit oiseau tombé du nid. Je prends sa tension avec un brassard pour bébé. Je relève la manche de son t-shirt fashion en parlant avec elle du dernier groupe à la mode.Chacune de ses respirations est un effort, alors elle choisit bien ses mots, Lo, faut pas gaspiller un souffle. Je suis admiratif de voir comment elle les manie avec dextérité...
Léo : 13 ans, tumeur bulbo-médullaire m’explique mieux que l’interne son traitement avec un regard sans âge. Seules les peluches sur son lit et les poster de cheveaux me rappellent qu’elle est à peine une ado.
C’est venu tout seul. Eux, moi, on fait comme… Comme si l’espoir était toujours permis. Ils me parlent de ce qu’ils feront plus tard, de leurs peurs, de leurs envies, de leur vie…en faisant semblant d’être des adultes… et moi souvent je vois l’enfant au détour d’un regard qui se baisse.
Je fais comme si la vie valait la peine qu’on rigole chaque jour pour mieux aimer le suivant. Je raconte dehors, je suis toujours de bonne humeur…alors ensemble, il arrive qu’on rigole vraiment de n’importe quoi et même quelque fois de la maladie…

Par Inkan
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Commentaires

Je suis contente que tu sois enfin venu écrire! Ca faisait longtemps!
De plus, ça fait un bien fou d'écrire sur "ça". Cette humanité qui rend notre métier si difficile et si beau.
On sent bien que cet article là, il vient d'un endroit qui n'a pas encore écrit ici... Toi, tu deviens vraiment un infirmier...
Plein de bisous
commentaire n° :1 posté par : ether le: 03/11/2009 à 00h05
Ma mére te dirais "c'est ce qui fait de toi un bon infirmier", l'humanité, c'est ce qui manque aujourd'hui, et cela donne de l'espoir de lire ces quelques lignes.
Après je suis maman et chaque ligne que je lis est une douleur, la souffrance je la gére au quotidien mais celle des adultes. Me voilà bien incapable de gérer la souffrance d'un enfant.
Maman m'avait dit "tuverras" j'ai vu.
Bises à toi et bonne continuation.
commentaire n° :2 posté par : MissK le: 06/11/2009 à 12h15
Selon moi l'un des métiers les plus difficiles car il faut être armé et je ne peux que supposer que laisser ses sentiments de côtés est difficile. Après, je pense sincèrement que ces jeunes apprécient vraiment leur infirmier. Oui, tu fais du bien aux gens et ils ne peuvent vraiment pas être mieux soignés.
commentaire n° :3 posté par : Lex le: 08/11/2009 à 00h40

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