Mardi 16 septembre 2 16 /09 /Sep 18:13

 -Quels sont les souvenirs les plus douloureux de votre enfance?

Je regarde la psy assise devant moi, le stylo levé prête à noter tout ce que je vais dire et je ne comprends pas la démarche. Pourquoi évoquer ce que je cherche à oublier et sortir ces anciens démons de leur placard?
Parce que je dois faire mon deuil m'a t'elle dit. 

  Alors je parle, doucement d'abord et ensuite un flot de souvenirs arrive, des images les unes après les autres, l'angoisse de chacune des situations m'étreint, les larmes restent pourtant coincées. Je n'arrive pas à pleurer.
Je n'arrive plus à pleurer, et pourtant ça me ferait du bien de reconnaitre que oui, ça m'a fait mal et ça m'a marqué au fer rouge.

Je la regarde, impuissant et je murmure:
Quand mes parents ont essayé de me tuer...
-Vous voulez dire, symboliquement?
-Non, physiquement.
Je ferme les yeux et je revois ma mère ivre, très en colère parce que j'ai balancé son whisky dans l'évier pendant qu'elle dormait. Elle me jette un regard haineux et se précipite vers un placard, ouvre une autre bouteille de rhum et s'arrose avec, indécente, vulgaire, lappant au passage de grandes rasades pour me provoquer et me faire mal. Je lui rends un regard désolé, et elle voit dans mes yeux l'horreur du geste. Alors elle me dit comme une démente qu'elle adore ça, qu'elle aime l'alcool plus que moi. Je réagis en ouvrant le placard à mon tour et en sortant une bouteille pour la jeter dans l'évier à nouveau en disant qu'elle se détruit et moi avec. Et là, je ne comprends plus rien, elle saisit celle-ci, la casse sur le rebord et menace de m'égorger avec le tesson pour que je lui foute la paix. Je me sauve en courant, les joues innondées de larmes, des sanglots dans la gorge... Je ne sais pas où aller mais je dois me sauver vite pour ne plus souffrir, pour ne plus voir l'horreur, pour m'éloigner de cette agression...mais je n'ai nulle part ou aller, je suis encore un ado...
Même sentiment quand mon père m'a posé le canon froid d'une carabine sur le front. Je voyais la folie dans son regard et je n'attendais qu'une chose c'est qu'il tire pour être débarrassé une fois pour toute.

-Les souvenirs de mon enfance sont jalonnés de violence, physique mais surtout psychologique...

Alors j'essaie d'en faire sortir un bon, un moment ensolleillé, je sais qu'il y en a eu...dans l'insouciance d'un jeu avec ma soeur, des amis...mais mon subconscient n'est pas d'accord, il me montre la main d'un adulte sur mes cheveux me forçant à descendre la tête pour me coller sur son sexe. Celui-ci m'étouffe et je veux vomir cet intrus qui viole ma bouche,avec ce consentement résigné de celui qui ne peut pas lutter. J'essaie de respirer comme je peux avec des hauts le coeur jusqu'au moment où je sens couler dans ma gorge ce truc horrible que je veux cracher de toute mes forces mais qui est déjà trop loin pour que j'y arrive. L'âpreté d'une fellation forcée c'est tenace et aucun dentifrice n'enlève ce goût qui me salit. Puis la brûlure dans la gorge quand je m'enfonce les doigts par la suite aussi loin que je peux pour que la dernière empreinte soit la mienne, pour vomir ce que je ne veux pas dans mon ventre, pour sentir la bile amer qui prouvera qu'il n'y a plus rien. Ce sentiment de me faire mal à mon tour mais pour mon bien...
Je frissonne en repensant à cette confusion qui m'envahissait quand ma culotte était souillée de sang et que je voulais la cacher pour ne pas me faire gronder. La question saugrenue qui me traversait l'esprit en me demandant si je devais moi aussi mettre un tampon là où ça saignait...
Un autre, une cave, la nuit...Je me suis fait punir pour une bétise d'enfant, je ne me rappelle plus laquelle. Je dors dans un carton trop petit, c'est le mois de novembre, la terre est froide, c'est une cave à charbon et c'est presque déjà l'hiver en Alsace. Je rêve d'une couverture, je pense à ma soeur enfermée dans la pièce à côté et je me demande combien de temps la torture va durer. Demain j'ai école, je serais fatigué, je suis en 6eme. il fait noir, il y a des souris, peut-être même des rats et je me dis que si je m'endors, ils viendront me manger. Mais je préfère encore ça que les coups de nerfs de boeufs infligés par mon père...Où alors pire, sa ceinture, celle avec des ronds en métal, celle que je le redoutais voir enlever...que ce soit pour me punir en me fouettant avec ou pour enlever son pantalon...

-je ne peux pas raconter certaines choses, dis-je à la thérapeute, elles sont si obcènes pour moi que les raconter en soit c'est une horreur indécente. Personne n'a envie de lire ça, de l'entendre, ou de le raconter... C'est en celà que je me sens souvent seul et incompris, muselé par l'anormal, souvenir comme une chair à vif qu'on ne peut cautériser avec des mots.

-Alors ecrivez-le...Vous avez le droit de pleurer vous savez?
-je n'y arrive pas (je pense que non, je n'ai pas ce droit et d'ailleurs la larme qui était en train de poindre s'est déjà évaporé, je sens que je retourne derrière la palissade sécurisante de "je ne ressens rien", je suis un robot sans émotion).

Mais alors que je cherche à faire le vide, mon cerveau cherche à le combler par des souvenirs, encore et encore. Sans émotions présentes mais avec des réminescences passées. J'essaie de prendre la distance nécessaire pour le supporter...Tout celà ne m'est pas arrivé, enfin il y a tellement longtemps que ce n'est plus moi. Maintenant plus rien ne peut m'atteindre... Vraiment? (je repense à ce matin là, il y a 15 jours, où je me suis réveillé terrifié parce qu'on s'était collé à moi pendant mon sommeil. Ce mal de ventre, cette peur froide et liquide qui s'etait violemment jettée sur moi pour ne plus me quitter de la matinée, ce souvenir d'un autre collé à moi, soufflant comme une bête dans mon cou).
Et en refermant la porte de la psy je me dis que je n'arrive même plus à me convaincre que ce que j'ai vécu était supportable...

Par Inkan - Publié dans : Inkan de l' âme
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Commentaires

"Et en refermant la porte de la psy je me dis que je n'arrive même plus à me convaincre que ce que j'ai vécu était supportable..." Et pourtant, je suis sûre que si quelqu'un que tu aimes te disait que cela lui était arrivé, tu trouverais cela affreux et inadmissible. Ce détachement aide à survivre, mais en même temps, il t'achève, d'une certaine manière. Si tu admets que tout cela n'a pas grande importance, c'est un peu comme si tu ne t'en accordais pas par la même occasion... "Vous avez le droit de pleurer vous savez? -je n'y arrive pas" Si seulement mes larmes à ta lecture avaient pu t'aider... je te les aurais données volontiers...
commentaire n° :1 posté par : Cruchotte le: 17/09/2008 à 21h29

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