Des gouttes de pluie s'écrasaient sur la vitre de la fenêtre.
Il regardait les dessins de l'eau glissant sur les carreaux de la fenêtre . Ils lui faisaient penser aux tracés incertains d'un enfant sur
un papier blanc; à des couleurs délavées, comme un arc-en-ciel fané, qui meurent lentement et finissent par disparaître.
Dans la fenêtre, son reflet aussi... et il pensa à l'autre qui avait fuit, son abscence...à ces jours qui passaient et qui ajoutaient sur la fenêtre de son âme tous ces gestes quotidiens,
innombrables gouttes d'eau qui finirait par diluer leurs souvenirs, laver la souffrance pour ne laisser que la fadeur d'une vie que l'amour avait déserté.
"Mon coeur est une aquarelle!"
La tristesse tapie à l'intérieur de lui depuis quelques jours, se réveilla comme un vieux dragon, s'étira, puis en se tournant sur elle même s'envola pour prendre possesion des lieux.Elle
était à l'affut du moment de relachement, celui où les tentatives de diversion de son esprit s'essoufflerait et où son coeur serait enfin offert, nu, afin qu'elle y crache un jet de flammes
paradoxalement glacées.
Il ne prit même pas la peine de mettre un imperméable, il sortit au plus vite pour fuir cette angoisse qui soudain prenait des proportions insupportables. Cette douleur intense appelait une
réaction violente et immédiate.
Pourtant rien ne ferait disparaitre la blessure de cette déchirure,soufflait la dragonne, le fantôme de l'autre resterait derrière le voile de son esprit...et demeurerait
l'incapacité de concevoir sa vie sans lui, tout comme resterait la promesse de toute cette souffrance que distillerait le temps. Oui chaque jour, chaque heure parce que toujours il
regretterait...
La dragonne n'était pas encore satisfaite, elle cracha encore un flot de flammes, entourant de volutes le coeur pourtant déjà si oppressé dans sa cage...thoracique.
(Encore...!!!)
Ca ne pouvait qu'être sa faute, il l'avait fait fuir. Il s'était laissé aller à y croire et celà l'avait effrayé. Il avait trop d'amour a donner et l'autre pouvait ne
pas avoir la force de tant en recevoir. Ou alors, l'energie d'y répondre...Que faire si on ne peut simplement être soit même parce qu'aujourd'hui tout doit être compté, pesé, soupesé afin de ne
pas hypothéquer son âme?
La pluie sur son visage fut comme une délivrance...son coeur était comme le ciel: vide et gris. Il s'y reconnut et pu exprimer sa solitude sans honte...
Il pleuvait.
Il pleurait.
Il fut très rapidement trempé...
trompé...
...le rouge vif de la douleur se diluait sous l'assaut de l'eau... (La dragonne faisait demi-tour faute de ne plus rien avoir à brûler.) car l'eau est indifférente, elle glisse sur tout et
emporte petit à petit les obstacles qu'il ya sur son passage.
L'averse lui accordait un répit, même si la déchirure resterait.
"Mon coeur est une aquarelle..."
L'eau peut être murmure de ruisseau ou torrent, se dit-il, mais surtout, quoi qu'il arrive elle continue d'avancer et celà lui suffit.
"Mon âme est le papier...
La tienne le pinceau...
L'amour est comme l'eau
Les couleurs sont le mélange de nos deux corps"
En regardant son lacet défait boire comme un buvard l'eau sur le goudron, il s'arreta enfin de pleurer.
Peut importe le tableau se dit-il...
( il sourit même lorsque la dernière larme termina sa course dans une flaque en multipliant les reflets d'un arc-en-ciel qui naissait déjà)
...tant qu'il y a un tableau.
"Mon coeur est une aquarelle..."
Il rentra chez lui, prit tous ses tubes de peinture et commença à étaler les couleurs les plus vives sur sa fenêtre. Avec ses doigts, ses coudes, savourant la douce folie du moment, le contact
onctueux de la gouache et son odeur, la première à laquelle il prettait attention depuis des jours. Peu importe le résultat, il fallait seulement de la couleur et celà
marcherait.
L'averse avait repris...mais à travers le filtre de la vitre peinte, elle devenait un tableau impressionniste.
Le télèphonne sonna.
Il parla des heures à cet autre qui pensait à lui, bercé par le bruit de l'eau.
Des gouttes de pluie s'écrasaient sur la vitre de la fenêtre...